Numéro : 41

Titre : La route, en somme

Parution : Octobre 2007

Prix : 2 €

Description :

L’impressionnante capacité de déplacement de Gus Van Sant, à l’intérieur de sa filmographie comme à l’intérieur de ses films, est dialectiquement inséparable d’une attraction vers un point zéro par quoi la marche trébuche et s’annule en bout de piste. Du premier au dernier film serpente la même angoisse : comment se déplacer tout en restant soi-même au milieu des ondes ramifiées d’un même lieu primordial, origine d’où sans cesse repartir et où retourner sous l’effet de la hantise ? Le lieu primordial, c’est le fond variablement décliné (fondement, fondation, fusion) sur lequel s’élève et s’évapore le moindre tracé humain. Pour chaque film, Gus Van Sant a besoin de revenir au fait matriciel, qu’il soit divers ou à l’état d’objet culturel (un film, un livre, une musique), pour y réinventer son essence au croisement de l’expérience et de la vision (à ne pas confondre avec l’interprétation). Revenir à Psychose, à Columbine ou à Kurt Cobain ne signifie pas refaire en vue de proposer une autre lecture mais consiste au contraire à en faire des zones d’imprégnation sensorielle propices à l’effacement et à l’émergence d’une nouvelle écriture. Inutile d’ajouter quoi que ce soit au fait, à ce qui est déjà là, à ce qui a déjà eu lieu. Pour Van Sant, l’important se situe dans l’appréhension du fait au plan eidétique, c’est-à-dire au niveau de sa « vision d’essence », selon les lois de la perception chères à Merleau-Ponty. À partir de là, la recherche systématique du fondement (fond d’images et fond mythologique) n’est envisageable que dans son miroitement en stases successives et transitoires où se loge la singularité du regard de l’artiste. Drôle de phénoménologie qui pose la question de la coïncidence de l’acte créateur avec l’origine réactivée dans son élection même. Comment parvenir à s’y fondre sans pour autant se l’approprier à des fins maniéristes ? Comment retourner à sa trace en instillant l’extériorité inhérente à ce retour ? Par l’aventure de la perception dérivée (et dérivative), seule capable de favoriser une retraversée physique et mentale de l’origine, plus exactement de l’originaire, en maintenant enroulés l’un dans l’autre commencement et fin dernière. « L’originaire n’est pas d’un seul type, il n’est pas tout derrière nous (…) L’appel à l’originaire va dans plusieurs directions : l’originaire éclate 1. » Simultanément vécu et perçu dans un présent instable, le lieu originaire protéiforme de My Own Private Idaho n’en finit pas de se prêter à une exploration entre veille et songe…

Auteur : David Vasse

Format : PDF à télécharger

Ajouter au panier