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20.12.24
Info Parution : "CINÉCASABLANCA, la Ville Blanche en 100 films", par Roland CARRÉE et Rabéa RIDAOUI
Notre collaborateur et coordinateur Roland CARRÉE publie un livre consacré aux films tournés à Casablanca, co-écrit avec Rabéa RIDAOUI, également collaboratrice à la revue ÉCLIPSES. Dès les premiers films de l’époque coloniale,...
Lire la suite26.02.24
Info parution : « Les cinéastes du Diable », par Yann Calvet
Si au cours du 19ème et du 20ème siècles, l’image terrorisante du diable, conservée dans le champ religieux et moral, a perdu de sa puissance dans l’imagination littéraire et dans les illusions de la fantasmagorie, le cinéma va produire de...
Lire la suite25.09.23
Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps
Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée.
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09.12.24
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On ne naît pas monstre, on le devient
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Elle et l’huis clos (2/3)
Réalisateur : Roman Polanski
Auteur : Youri Deschamps
Lire l'articleCritique : Scream 4
Scream 4
(Wes Craven, 2011)
Scream 4 possède tous les attributs du produit marketing dont le seul dessein serait de profiter du léger essoufflement du slasher gore de l’interminable saga Saw. D'autant plus que cette suite inattendue à la trilogie culte de Wes Craven ratisse large, des trentenaires fans de la première heure attirés par le retour de Neve Campbell, Courtney Cox et David Arquette dans les rôles titres, aux ados appâtés par un nouvel éventail de nymphettes à truander. Pourtant, derrière ses gros sabots du parfait film mainstream pour avaleur de popcorn, et bien qu'il ne soit pas exempt de défauts, Scream 4 est bien plus intelligent qu'il n'y parait.
The Texas Scream Resurrection 3D ?
« New Decade. New Rules », nous promettait le slogan. Ce sont pourtant moins les règles qui ont changé que ceux qui les mettent en scène. Et c'est là que réside l’intérêt de ce portrait hypermoderne de la « jeunesse 2.0 », qui joue à recycler son propre mythe pour mieux pointer du doigt les déviances d’un nombrilisme exacerbé. De fait, rarement un film aura autant collé à son personnage, à ses risques et périls...
Lancé avec fracas dans les années 70 avec The Texas Chainsaw Massacre (Tobe Hopper, 1974) et Halloween (John Carpenter, 1978), le slasher renoua avec le succès dans les années 90, avec Urban Legend, les Scream et autres Souviens-toi l'été dernier... avant que l’explosion de films plus gore à la Saw et Hostel ne les essoufflent quelque peu. Pourtant, le slasher prend une tournure proprement postmoderne dans les années 2000, du fourre-tout de Tarantino lancé sur le Boulevard de la mort aux remakes en pagaille des œuvres cultes des seventies : Halloween Resurrection en 2002, The Texas Chainsaw Massacre : The Beginning en 2007, My Bloody Valentine 3D trois ans plus tard, etc. On connaît le principe, immuable : un psychopathe (masqué) poursuit des adolescent(e)s dans le seul but de les tuer.
La mort hypermoderne
Retour donc à Woodsboro, petite ville riche où des lycéennes bimbos férues de films d'horreurs et des geeks amoureux vont pouvoir se faire taillader dans un joyeux bain de sang… décor initial et parfait pour un film de ce genre. D’autant plus que les maisons sont emplies de baies vitrées derrière lesquelles se faire étriper : Jill (Emma Roberts) et Kirby (Hayden Pannettiere) assistent depuis leur fenêtre au meurtre de leur copine dans la maison voisine, hommage à peine déguisé à Rear Window ; Charlie (Rory Culkin) est attaché et violenté face à une Kirby impuissante devant une large porte-fenêtre, dont on comprendra finalement qu’il s’agissait là de surcroît d’une perverse mise en scène.
Comme dans le premier épisode, les meurtres se jouent donc le plus souvent à travers vitres, portes, fenêtres, qui multiplient les cadres et transforment la mort en un spectacle permanent dans lequel les personnages sont tour à tour acteurs et spectateurs. Mais, à nouveau, tous ces accros de l’Iphone, nouvel objet de l’effroi – la moindre sonnerie provoque immédiatement l’angoisse – sont plus ou moins amateurs de films d’horreurs, auxquels les références se multiplient, clins d’œil aux œuvres cultes ou petites attaques à ceux qui ont contribué à enterrer le slasher à partir des années 90 – Saw et les films de fantômes japonais notamment. Sauf que ces citations ne sont, justement, que citées : empilées par une nouvelle génération qui télécharge, consomme, avale des images sans même prendre le temps de les digérer. Le quizz de Kirby en est la preuve : lorsque le tueur la soumet à un questionnaire sur le cinéma horrifique pour sauver son boyfriend, elle énumère sans réfléchir, répond à toutes les questions... mais ne les sauvera pas pour autant puisque tous deux seront poignardés. Et au Cinéma Club, on discute cultes et soirées, mais jamais mise en scène. Syndrome hypermoderne d’un art vaniteux de la prolifération écranique.
Acteurs et spectateurs donc, mais plus encore metteurs en scène. Et c’est la vidéo qui façonne l’obsession de l’image. Gale installe des petites caméras pour mener son enquête, les tueurs filment leurs massacres – bientôt un Scream 5 utilisant ces images ? – et Robbie retransmet sa vie en direct sur son blog au moyen d’une micro-caméra fixée à sa tempe. Au culte du cinéma qui nourrissait le premier Scream s’ajoute ici celui de la vidéo à l’ère où Internet gère notre vie sociale et en entretient l’image. Mais là encore, vain projet du tout numérique, puisque tous ceux qui utilisent une caméra finiront poignardés.
Cette mise en scène hyperbolique répond à plusieurs enjeux : critique d’une société de l’image (de soi), confrontation entre « l’ancien » et le nouveau avec une certaine impuissance, et jeu auto-parodique (risqué) du film lui-même, calqué, sur le dessein de son effrayante tueuse qui n’hésite pas à étriper tous ses amis – manière d’enraciner les Friends des années 90 et de ridiculiser nos néo friends de Facebook.
« I don’t want friends, I want fans »
Comment aujourd’hui apeurer un public biberonné à la saga Saw et aux images cadavériques dont se repaissent en direct les médias ? Scream 4, face auquel on rit plus qu’on ne sursaute tant la surenchère défait l'horreur pour la transformer en gag à répétition, prend de fait le parti d’angoisser son public autrement. Ce qui effraie ici, ce sont moins les meurtres que la radiographie d’une jeunesse que proposait également, il y a quelques mois, le Piranha 3D d’Alexandre Aja, jouissif déchiquetage de l’Amérique superficielle en plein spring break.
Il ne faudrait toutefois pas réduire la critique de Craven à un moralisme de vieux con ; car il utilise habilement ses personnages pour jouer d’un rapport d’identification qui déborde dans la salle, redoublant la mise en abyme – en cela, la première séquence est exemplaire – que le film développe toujours avec Stab, adaptation de l’aventure meurtrière de Sidney écrite par Gale dès Scream 2.
Les spectateurs de la première heure retrouvent Sidney, Gale, Dewey. Ils ont grandi, vieilli, mûri. Face à eux, et avec nous, les rescapés trentenaires des années 90, dans la salle, une horde d’adolescents qui daignent jeter un œil au monde, à l’écran – c’est la même chose – entre deux twitts. Et le film ne cesse de jouer du rapport entre le nouveau et l’ancien. Dewey et Sidney sont devenus un peu trop sages et lisses pour pouvoir endosser le rôle du héros. Et la botoxée Gale, incarnée par une rescapée de Friends, paie lourdement les frais des quinze ans qui se sont écoulés : son autorité recule face à la pimpante recrue policière de Dewey ; ses caméras cachées sont vite masquées par le tueur qui en profite pour l’attaquer ; son aura d’ex-journaliste devenue femme au foyer ne séduit qu’une attachée de presse arriviste, dont le cadavre sera jeté au milieu d’une foule de journalistes béats. Car ces derniers faiblissent, terrassés par Twitter, Facebook et Youtube, nouveaux médias branchés que la jeunesse a repris en mains. Si nos trois vétérans survivront aux meurtres, c’est parce qu’ils sont d’abord les victimes d’un autre redoutable attaquant, le temps qui passe. Ici les jeunes, tous morts, ne vieilliront ironiquement jamais.
Mais qui les a tués, et surtout pourquoi ? Les giclements gore ne sont que la partie émergée d’un iceberg grossi d’une décennie de téléréalité et d’exhibition sur le Net. Ce qui importe est d’occuper le devant de la scène, et seulement cela ; le mobile du crime se limite donc au désir de devenir le héros des médias. Notre vie n'existe plus qu'à travers Facebook ou Twitter, devenir avatar de la personnalité dont le masque interchangeable de Ghostface n'est finalement qu'une des possibilités que chacun peut endosser – habile utilisation du conventionnel whodunit – afin d'orchestrer l'événement médiatique qui mènera le survivant à une célébrité assurée. Survivre, c’est être le dernier, le gagnant, la star, l’élu qui demeure quand tous les autres ont été éliminés un à un, tel le héros moderne d’un Big Brother sanglant. Scre4m est donc une grosse parodie d’émission de téléréalité qui pousse au maximum la loi du dernier survivant. Déjà vu il y a onze ans dans le Battle Royale de Kinki Fukasaku. C’est vrai.
Le masque et le nombril
C’est vrai, car Scream 4, dans son traitement hypermoderne de l’hypermodernité, ne cache pas l’impuissance du renouvellement des formes. Il multiplie les archétypes, répète l’orchestration, les postures et les citations – « Quel est ton film d’horreur préféré ? » – au risque parfois d’une certaine lassitude, exacerbe l’auto-parodie et ne passe ouvertement à côté d’aucun sempiternel code – le tueur revient toujours par derrière, le flic qui monte la garde se fait forcément tuer, sauf si Bruce Willis l'incarne. Pour mieux les vider, telle la bimbo retrouvée les tripes dehors dans sa chambre à fleurs. Il y a là de la part de Wes Craven qui retrouve pour l’occasion le scénariste des deux premiers épisodes, une triste ironie. Comme s’ils nous annonçaient la mort du slasher, ce genre qui s’épuise et ne peut plus survivre que dans le remake et la parodie, le cinéaste et Kevin Williamson vident, en les surlignant, chaque règle de l’horreur de toute la peur qu’elle génère au profit du rire, en signe d’impuissance face à la nouvelle génération assoiffée de sang et de gloire, qui rit toujours de la tragédie de l’ancienne comme le remarque tristement Dewey.
Mais reflet de cette jeunesse décérébrée et étripée, Scream 4 tend vers un nombrilisme aussi intéressant que dangereux, interrogeant les limites d’une mise en scène trop parfaitement calquée sur une héroïne.
La tueuse n’a qu’un objectif, celui de créer sa propre mythification. Masturbatoire, le film est à son image – une de plus. Revenant sur le Ghostface qu’il a lui-même créé, nourrissant son mythe autour du culte de Stab, de la mise en scène meurtrière identique au premier opus, et des masques de déguisements qui parsèment la ville et pimentent les morbides célébrations, Scream 4 nourrit son propre mythe avec un certain nombrilisme qui le pousse à vouloir être, lui aussi, le dernier survivant d’un longue série de slashers. Et à l'image de son ado tueuse qui cherche à intégrer le clan des figures mythiques de sa petite ville pour détrôner sa cousine Sidney, le film, qui récite sans cesse la filmographie de l’horreur, semble vouloir s'intégrer de force dans un corpus de films cultes, voire les évincer.
Cependant, son épuisement ironique dénonce la vanité d’un tel projet, et maintient malgré tout la distance nécessaire entre Scre4m et Jill. Craven a bien conscience que son tueur psychopathe n’a pas la puissance d’un Freddy ou d’un Michael Myers. Il se réduit d’ailleurs à une voix et un masque interchangeables, un visage de fantôme sans nom, un spectre déambulant qui n’a pas d’existence propre mais n’est qu’un accoutrement d’emprunt. Qu’il faudra à nouveau endosser pour d’éventuels suites promises par le producteur Bob Weinstein, car, décidément, Scream veut rester le dernier survivant. Il lui faudra donc pour cela détrôner les sept Saw et les onze Halloween – Halloween 3D est prévu pour cette année. On n’a donc pas fini d’en finir avec le slasher…
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