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20.12.24

Info Parution : "CINÉCASABLANCA, la Ville Blanche en 100 films", par Roland CARRÉE et Rabéa RIDAOUI

Notre collaborateur et coordinateur Roland CARRÉE publie un livre consacré aux films tournés à Casablanca, co-écrit avec Rabéa RIDAOUI, également collaboratrice à la revue ÉCLIPSES. Dès les premiers films de l’époque coloniale,...

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26.02.24

Info parution : « Les cinéastes du Diable », par Yann Calvet

Si au cours du 19ème et du 20ème siècles, l’image terrorisante du diable, conservée dans le champ religieux et moral, a perdu de sa puissance dans l’imagination littéraire et dans les illusions de la fantasmagorie, le cinéma va produire de...

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25.09.23

Éclipses N° 72 : Clint EASTWOOD, l'épreuve du temps

Consacré à Clint EASTWOOD, le volume 72 de la revue ÉCLIPSES est actuellement en cours d'impression. Il sera très prochainement disponible sur ce site (en version imprimée et aussi en PDF) ainsi que dans votre librairie préférée. 

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Freaks Tod Browning

Freaks - On ne naît pas monstre, on le devient
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Film : Freaks

On ne naît pas monstre, on le devient

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Elle et l’huis clos (3/3)

Réalisateur : Roman Polanski

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Film : Rosemary's Baby

Elle et l’huis clos (2/3)

Réalisateur : Roman Polanski

Auteur : Youri Deschamps

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Critique : Vengeance  

Vengeance
(Johnnie To, 2009)

Johnny got is gun

par Michaël Delavaud le 07.01.11

Le nouveau film du stakhanoviste Johnnie To, dont les oeuvres sortent en France sur un rythme effréné, se situe dans la lignée directe de l'une de ses toutes meilleures oeuvres, Exilé (2007), superbe exercice de style important la mise en scène leonienne dans le polar hong-kongais. Le synopsis de Vengeance est d'une simplicité biblique : une famille de Macao se fait trucider par les triades ; Francis Costello, le père de la jeune mère de famille, française, débarque de Paris pour venger les siens assassinés. L'exécution de cette vengeance est néanmoins compliquée par les amnésies de plus en plus fortes du personnage... Pour raconter cette histoire, Johnnie To puise plus encore qu'à l'habitude dans le cinéma de ses deux maîtres de cinéma : Sergio Leone et Jean-Pierre Melville, deux cinéastes ayant travaillé, malmené, dilaté, désincarné les genres auxquels ils se sont attaqués (le western pour Leone, le polar pour Melville).

De l'Italien, To adopte comme souvent la flamboyance formelle, fait preuve d'un sens du cadre et de l'espace tout bonnement ahurissant (la rencontre, très géométrique, de Costello et de ses trois futurs compères dans les couloirs du métro). Les scènes de gunfight de Vengeance sont d'irréfutables preuves de cette maîtrise formelle, accédant à une dimension baroque rarement atteinte dans le cinéma du Hong-kongais ; la fabuleuse fusillade de la décharge, dans laquelle trois hommes avancent vers leurs nombreux ennemis dissimulés derrière des balles de papier compressé, ou encore l'affrontement final durant lequel Costello reconnaît le personnage dont il doit se venger grâce à un sticker très signifiant et aux impacts de balle sur son pardessus sont de ce point de vue parmi les plus belles scènes du cinéma de To.

De Melville, Johnnie To reprend le rythme éthéré de la mise en scène (langueur encore accentuée par de splendides ralentis lors des scènes d'action de To), le mutisme de personnages essentiellement masculins (les femmes sont clairement de simples faire-valoir) et leur inexorable course vers le vide et la mort. La référence à Melville est bien entendu explicitée par le fait que son personnage principal porte le même patronyme que celui du Samouraï (1967). Elle aurait été encore plus explicite si Alain Delon avait joué, comme prévu originellement, le rôle de Francis Costello. Devant le refus de Delon (refroidi par les pertes de mémoire du personnage, dues à la maladie d'Alzheimer dans les premières moutures du scénario), Johnnie To a fini par choisir une autre icône française, notre Johnny Hallyday national.

Le Hong-kongais a-t-il perdu au change ? Pas si sûr. L'acteur Hallyday a cette chance d'être l'antithèse absolu du Johnny chanteur ; autant le showman peut franchement agacer dans son costume de flambeur kakou un peu kitsch taillé pour les stades, autant le comédien s'avère humble et ouvert, perfectible mais se fondant convenablement dans les systèmes formels que lui imposent les metteurs en scène qu'il croise. Pour preuves, on se rappellera ses rôles chez Godard, Masson, Leconte, Tuel ou Stévenin (la belle et hilarante apparition dans Mischka [2001]). Dans Vengeance, il trouve très certainement son meilleur rôle, le personnage de Francis Costello lui permettant de donner la pleine mesure de son talent minimaliste. Pourtant, Hallyday fait d'abord peur, le début du film montrant les carences de son jeu dès qu'il s'agit de parler (la scène de l'hôpital avec une Sylvie Testud bandée comme une momie, catastrophique). Puis, peu à peu, au fur et à mesure que son personnage décroche du réel (les pertes de mémoire), l'acteur s'affirme dans la minéralité de son jeu. La scène, superbe, où, perdu dans la foule, il recherche ses compagnons à l'aide de polaroids est une sorte de manifeste de ce qu'est Hallyday dans ce film : un acteur au visage vide et au regard, au contraire, plein, exprimant toute la gamme de sentiments de son personnage (ici la panique puis le soulagement de retrouver ses compagnons). De ce point de vue, aussi étrange et incongru que cela puisse paraître, Hallyday pourrait presque passer pour une sorte de Clint Eastwood discount. Johnnie To y voit, lui, le nouvel acteur de type melvillien : après lui avoir donné le rôle de Francis Costello, il est sur le point de tourner un remake du Cercle Rouge et de distribuer Hallyday dans le rôle tenu dans l'original par Yves Montand...

La vraie beauté de Vengeance ne réside cependant pas dans la présence post mortem quasi permanente des idoles cinéphiliques de Johnnie To, ou encore dans la jolie prestation de l'Idole des (plus tout) Jeunes. Non, la véritable force de ce film provient d'une belle astuce scénaristique, dont nous avons déjà parlé : Francis Costello, ancien gangster, perd la mémoire à cause d'une balle restée fichée dans son cerveau (et non plus à cause d'Alzheimer...). Cette caractérisation du personnage est tout sauf anodine, permettant à To de surligner le caractère idéologiquement contestable d'un genre auquel Vengeance appartient pourtant pleinement : le revenge movie. La grande question du film se trouve dans cette amnésie progressive, de plus en plus aigüe : peut-on se venger d'un acte dont on ne se rappelle pas ? En montrant Costello reconnaître les gentils et les méchants de l'histoire par le seul biais de photos (il ne reconnaît même pas sa propre fille), en le montrant exécuter de façon presque pavlovienne son adversaire et assouvir sa vengeance par le biais de signes pour le moins superficiels (un sticker, des trous dans un pardessus...), Johnnie To montre subtilement du doigt la gratuité de cette poisseuse Loi du Talion et, par là même, la décrédibilise et la condamne. En réalisant Vengeance et en retournant le genre contre lui-même, To a certainement mis en scène le revenge movie définitif, comme Eastwood (encore lui, décidément...) le fit avec le western en réalisant Impitoyable (1992).

Film critique d'un passionné de cinéma, aussi intelligent que formellement sublime, Vengeance porte donc la griffe Johnnie To, génial cinéaste de genre reconnu jusqu'alors dans le seul landernau cinéphile et qui devrait légitimement élargir le cercle de ses spectateurs grâce à la tête d'affiche ultra-populaire de cette oeuvre très réussie.

Michaël Delavaud

 

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